Aujourd’hui, le fonds Aliénor vous emmène à la rencontre du docteur Mailen Dagorret, gastro-pédiatre au CHU de Poitiers. Passionnée et engagée, elle nous présente son projet de recherche visant à simplifier et à accélérer la détection de l’infection à Helicobacter pylori chez les enfants.
Qui êtes-vous, docteur Mailen Dagorret ?
Mon parcours dans le monde de la médecine a débuté par un externat à Bordeaux, avant de poser mes valises à Poitiers pour mon internat en 2018. C’est ici que j’ai découvert ma vocation pour la gastro-pédiatrie. L’énergie d’une ancienne gastro-pédiatre du CHU de Poitiers, combinée à la diversité des activités proposées – allant des consultations aux blocs opératoires en passant par l’hôpital de jour – ont fini de me convaincre. J’aspirais à une pratique médicale variée, où le lien avec la chirurgie était présent, et la gastro-pédiatrie répondait parfaitement à cette attente. Mon cursus s’est enrichi de quatre stages, dont un pour la formation endoscopique auprès de l’équipe des gastroentérologues adultes du CHU de POITIERS, puis auprès des équipes de gastro-pédiatrie du CHU de Bordeaux et de Toulouse.
Quel est votre projet de recherche ?
Mon projet de recherche se concentre sur l’amélioration du diagnostic de l’infection à Helicobacter pylori chez les enfants. Cette bactérie, fréquente et souvent asymptomatique chez les plus jeunes, peut se manifester par des reflux ou des douleurs épigastriques. Or, le diagnostic repose actuellement majoritairement sur la fibroscopie digestive haute avec biopsies, un examen invasif nécessitant une anesthésie générale chez l’enfant et rendu difficile par un accès limité au bloc opératoire.
Comment ce projet est-il né et où en êtes-vous ?
L’idée de ce projet a germé lors de mes stages à Toulouse et Bordeaux. J’ai observé les difficultés rencontrées par les équipes face au manque de créneaux au bloc opératoire, entraînant de longues attentes pour les enfants devant subir une fibroscopie. Face à ce constat, j’ai souhaité explorer des alternatives.
En parallèle, j’ai découvert que le docteur Maxime Pichon, bactériologiste au CHU de Poitiers, avait déjà mené une étude similaire chez l’adulte en utilisant un test de détection d’Helicobacter pylori dans les selles. En échangeant avec lui, l’idée de transposer cette approche à la population pédiatrique s’est naturellement imposée.
Depuis la fin de mon internat en 2023, ce projet a progressé. Nous avons formalisé le protocole en mai 2024, et j’ai eu la joie de recevoir le prix du jeune chercheur du fonds Aliénor en avril 2024. Une étape cruciale a été franchie en décembre 2024 avec l’avis favorable du comité de protection des personnes (CPP). Actuellement, la prochaine étape consiste à lancer concrètement l’essai clinique.
Pourquoi ce projet ?
L’objectif principal de cette recherche est de comparer l’efficacité de la détection d’Helicobacter pylori dans les selles à celle de la fibroscopie chez l’enfant. Si les résultats s’avèrent similaires, voire supérieurs, cela pourrait révolutionner la prise en charge de ces jeunes patients. Au lieu d’une attente potentiellement longue pour une fibroscopie, un simple test de selles, réalisable à domicile grâce à un kit que nous remettrons en consultation, pourrait permettre un diagnostic plus rapide et donc une prise en charge thérapeutique précoce.
Imaginez si le diagnostic pouvait être posé par le médecin traitant ou via un kit disponible en pharmacie, évitant ainsi aux familles de longs mois d’attente et d’inquiétude. Étant actuellement la seule gastro-pédiatre endoscopiste sur un vaste territoire, drainant des patients entre Bordeaux et Tours, une telle simplification du diagnostic aurait un impact considérable sur l’accès aux soins.
Nous prévoyons d’inclure 188 patients afin d’obtenir un échantillon de 169 enfants exploitables pour l’analyse. Nous sommes en train de finaliser les aspects pratiques avec l’équipe de recherche (modalités de distribution des kits, recueil des consentements, etc.). Nous nous sommes donnés un horizon de deux ans pour mener à bien cette étude. Le financement de 50 000 euros que nous avons sollicité auprès du fonds Aliénor permettra de couvrir les coûts des kits, le temps des chercheurs et d’un étudiant en master 2, les envois postaux et les analyses PCR.
Quels sont les enjeux ?
L’enjeu de ce projet est de taille. L’infection à Helicobacter pylori, bien que souvent bénigne chez l’enfant, peut entraîner des complications à long terme, notamment des ulcères, et est un facteur de risque majeur de cancer gastrique à l’âge adulte si elle n’est pas traitée. Un diagnostic précoce et un traitement simple par antibiotiques pendant quatorze jours peuvent prévenir ces complications. Il est regrettable qu’un manque de moyens et de personnel puisse indirectement conduire à des situations potentiellement graves.
Notre ambition est de démontrer que le test de selles est une alternative fiable à la fibroscopie pour le diagnostic initial. Bien que nous soyons conscients que notre étude sur un nombre limité de patients ne suffira probablement pas à modifier les recommandations actuelles, nous espérons vivement que nos résultats encourageront des études nationales de plus grande envergure. L’objectif ultime serait de faire évoluer les recommandations diagnostiques pédiatriques.
Au-delà de l’aspect médical, nous sommes convaincus qu’un diagnostic et une prise en charge plus rapides amélioreraient significativement la qualité de vie des enfants souffrant de symptômes tels que le reflux ou les douleurs abdominales, et par conséquent, celle de leurs familles. Des symptômes parfois banalisés peuvent avoir des répercussions sur la scolarité et le bien-être psychologique des enfants.
Nous avons d’ailleurs rédigé un article présentant le protocole de notre projet et espérons le publier prochainement. Bien sûr, la publication des résultats de notre étude est également une étape essentielle pour partager nos découvertes avec la communauté scientifique.
Le docteur Dagorret et son équipe incarnent l’esprit d’innovation et d’engagement au service des patients qui anime le CHU de Poitiers et le fonds Aliénor. Nous suivrons avec grand intérêt l’avancement de ce projet prometteur.