La recherche en ordre de marche

Technicienne du centre de ressources biologiques du CHU de Poitiers.
Technicienne du centre de ressources biologiques du CHU de Poitiers.

Chaînon essentiel pour une meilleure prise en charge des malades, la recherche, qu’elle soit clinique, fondamentale ou translationnelle, s’affirme de plus en plus au sein de l’établissement avec des équipes et des unités de dimension nationale et internationale. Un nouvel élan est porté avec une restructuration de la direction de la recherche et la définition d’axes prioritaires. État des lieux et perspectives d’une activité moteur.

Le 16 janvier 2017, le CHU, comme le seront bientôt tous les autres CHU de France, a été soumis, pour la première fois de son histoire, à l’évaluation de ses activités de recherche par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, HCERES. Cette démarche permet d’avoir une vision sur ce que les établissements publics de santé apportent à la recherche médicale et à la santé publique aux côtés des grandes structures de recherche que sont le CNRS, l’Inserm ou les universités.

“Si cette Ă©valuation ne remet pas en cause l’activitĂ© proprement dite de l’établissement, ce haut conseil Ă©met un avis qui est potentiellement visible par tout un chacun souhaitant savoir qu’elle est la qualitĂ© de la recherche au CHU”, prĂ©cise Harold Astre, directeur de la recherche et de l’innovation.

Pour le Pr GĂ©rard Mauco, vice-prĂ©sident du directoire en charge de la recherche au CHU, le rendez-vous ne pouvait pas ĂŞtre manquĂ© : “La recherche est partie intĂ©grante de l’identitĂ© des CHU. Elle constitue, avec le soin et l’enseignement, l’une des trois missions qui sont l’existence mĂŞme d’un Ă©tablissement hospitalo-universitaire.” Avec deux enjeux majeurs : “Le premier, offrir les meilleurs soins aux patients par des recours Ă  des mĂ©dicaments ou des protocoles innovants mais aussi par une meilleure comprĂ©hension des caractĂ©- ristiques de leur maladie. Le second est d’assoir l’établissement en matière de recherche afin de rĂ©pondre aux appels d’offres nationaux et internationaux et d’attirer des essais thĂ©rapeutiques importants.”

Des structures leaders au niveau national et international
A Poitiers, la recherche s’affirme, depuis quelques années, de façon plus marquée avec un investissement fort du personnel hospitalo-universitaire et des structures de recherche de référence dans leur domaine : un centre d’investigation clinique (CIC 0802) Inserm-CHU ; trois unités Inserm-Université en recherche fondamentale et de transfert vers la clinique ; une équipe dans une unité CNRS-Université, un foisonnement de recherche clinique dans tous les services ; et un plateau technique notamment en imagerie, unique en Europe, développé au sein du nouveau centre cardio-vasculaire, avec une IRM 3T multi-noyaux connectée à un bloc opératoire et un scanner dernière génération ou un bloc dédié à la chirurgie éveillée en neurochirurgie.

Face à un environnement de plus en plus concurrentiel, il y a eu une prise de conscience au sein de l’établissement qu’il fallait toujours plus développer et soutenir la recherche. Aussi, cette évaluation a-t-elle été l’occasion de conforter l’engagement du CHU tout en redéfinissant des priorités.

La première a été d’affirmer, dans son rôle, la direction de la recherche par des moyens humains et financiers supplémentaires : la direction de la recherche compte aujourd’hui 35 personnes auxquelles s’ajoutent 80 professionnels de recherche dans les services.

Un centre de ressources biologiques en appui Ă  la recherche

Faire de la recherche suppose de s’appuyer sur des collections d’échantillons biologiques et les informations qui y sont associĂ©es. Aussi, dans cette logique, le CHU de Poitiers dispose d’un centre de ressources biologiques. “C’est la rĂ©union de deux entitĂ©s, prĂ©cise le Pr Samy Hadjadj, coordinateur scientifique du centre. On retrouve : la biothèque et ses collections biologiques (sang, ADN, urines, cellules, lait maternel…) installĂ©e au sein du centre d’investigation clinique, et la tumorothèque qui stocke principalement du tissu (organe sain et affectĂ© par le cancer) au sein du service d’anatomie et cytopathologie. Ces Ă©chantillons sont essentiels, ils permettent notamment de rechercher des biomarqueurs Ă  certaines pathologies et ainsi dĂ©velopper de nouvelles solutions thĂ©rapeutiques.”

A l’heure actuelle, le centre de ressources biologiques compte environ 120 000 Ă©chantillons biologiques et 20 000 tissus tumoraux. “Plus il y a d’échantillons en circulation, plus cela contribue Ă  faire Ă©voluer la recherche.” Le CHU s’efforce de jouer ce rĂ´le de diffusion en mettant Ă  disposition ces Ă©chantillons Ă  de nombreux centres en France et aussi dans le monde : la Norvège, les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore l’Espagne.

Création d’une plateforme méthodologique et biostatistique
Ensuite, le CHU a souhaitĂ© structurer la recherche sur le plan mĂ©thodologique en offrant des outils performants aux chercheurs. “L’idĂ©e est vĂ©ritablement de passer d’une vision quantitative des projets de recherche Ă  une vision qualitative”, prĂ©cise Harold Astre.

De gauche à droite : Harold Astre, directeur de la recherche et de l’innovation au CHU de Poitiers, Pr Gérard Mauco, vice-président du directoire en charge de la recherche au CHU, et Dr Denis Frasca, coordonnateur scientifique de la plateforme méthodologique et biostatistique du CHU.
De gauche à droite : Harold Astre, directeur de la recherche et de l’innovation au CHU de Poitiers, Pr Gérard Mauco, vice-président du directoire en charge de la recherche au CHU, et Dr Denis Frasca, coordonnateur scientifique de la plateforme méthodologique et biostatistique du CHU.
Pr René Robert, délégué régional à la recherche au CHU de Poitiers
Pr René Robert, délégué régional à la recherche au CHU de Poitiers

Ce qui s’est traduit par la crĂ©ation en novembre 2016 d’une plateforme mĂ©thodologique et biostatistique. “Ces moyens existaient dĂ©jĂ  au sein de l’établissement, mais ils Ă©taient dissĂ©minĂ©s dans les diffĂ©rents services et laboratoires. Le souhait a Ă©tĂ© de crĂ©er une structure unique de façon Ă  offrir le meilleur service.” PortĂ©e Ă  la fois par le Dr Denis Frasca, coordonnateur scientifique, et par Harold Astre, la nouvelle plateforme a pour but d’assister les chercheurs de la conception Ă  la valorisation d’une Ă©tude, en passant par la planification, le suivi des Ă©tudes, la gestion des donnĂ©es et l’analyse biostatistique. En parallèle, sont proposĂ©es des consultations de mĂ©thodologie. “Nous Ă©valuons les connaissances du chercheur en matière des règles des bonnes pratiques cliniques, ce qui permet d’aborder avec lui les points d’achoppement et surtout de discuter du meilleur schĂ©ma d’étude (Ă©tudes prospectives, rĂ©trospectives…)”, explique Denis Frasca.

Cette plateforme a permis de crĂ©er une unitĂ©, distincte de cette dernière, concentrĂ©e sur les objets connectĂ©s et les grands projets informatiques dans le domaine de la recherche. “Poitiers est un des seuls Ă©tablissements en France Ă  proposer ce type d’activitĂ©. Sous l’égide de Farid Guetarni, cette structure a pour but de s’occuper de la bibliomĂ©trie et d’appuyer des projets innovants notamment autour du big data”, poursuit Harold Astre.

Pour qu’un projet soit soutenu par la plateforme, il doit prĂ©alablement ĂŞtre Ă©valuĂ© par un comitĂ© d’orientation qui dĂ©cidera de son niveau de prioritĂ©. “A partir du moment oĂą une Ă©tude a fait la preuve de son intĂ©rĂŞt, le CHU peut se porter promoteur.”

Depuis la création de la plateforme, 30 projets ont été présentés et six ont fait l’objet d’une demande de programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). L’objectif est que cette plateforme prenne une dimension régionale en permettant l’accès à l’appui méthodologique pour tous les centres hospitaliers de l’ex-région Poitou-Charentes.

Avec la création de la région Nouvelle-Aquitaine, le CHU de Poitiers a intégré le Groupement interrégional de recherche clinique de d’innovation Sud Ouest Outre-Mer hospitalier (Girci Soho), qui comprend également les CHU de Limoges, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nîmes, la Réunion, Fort-de-France et Pointe-à-Pitre.

Des financements liés à la qualité des projets de recherche
Les premiers effets de cette réorganisation se font déjà sentir. Cette année, quatre projets vont être financés par le PHRC à hauteur de 3,4 millions d’euros (voir encadré page suivante). Ce qui classe Poitiers, en 2016, comme le premier centre du Girci Soho en valorisation.

“C’est un excellent rĂ©sultat qui confirme le dynamisme de nos Ă©quipes de recherche. Nous allons poursuivre cette dynamique et dĂ©crocher encore plus de financements !” prĂ©cise le Pr RenĂ© Robert, dĂ©lĂ©guĂ© rĂ©gional Ă  la recherche. Car les enjeux sont aussi financiers et la valorisation des travaux de recherche a un rĂ´le primordial. “Un article paru dans une revue prestigieuse valorise le chercheur sur le plan national et international mais aussi la structure dans laquelle il travaille. Ce qui ouvre des perspectives pour participer Ă  des Ă©tudes intĂ©ressantes et obtenir des financements.”

Les financements de l’État pour la recherche sont d’ailleurs calculĂ©s en fonction d’indicateurs de publication. “Plus les publications sont importantes et prestigieuses, plus les dotations sont Ă©levĂ©es, note Harold Astre. Aujourd’hui nous percevons près de 20 M€ au titre de la recherche. 8 M€ sont dĂ©diĂ©s Ă  la formation des internes et 12 M€ compensent les surcoĂ»ts inhĂ©rents Ă  l’activitĂ© de recherche : temps supplĂ©mentaire consacrĂ© Ă  la recherche, surcoĂ»ts liĂ©s Ă  l’utilisation des plateaux techniques spĂ©cialisĂ©s, Ă  des Ă©quipements et traitements innovants.” Ce sont donc autant de moyens consacrĂ©s au dĂ©veloppement du CHU. “C’est un cercle vertueux, un facteur d’attractivitĂ©”, souligne GĂ©rard Mauco.

D’autres sources de financement sont issues de l’industrie pharmaceutique à laquelle le CHU sert de levier pour 700 études en cours. De grands instituts par le biais d’appels à projets (PHRC, Fondation de France, INCa) mais aussi des dons sous forme de mécénat comme Sport et Collection (250 000 €, soit 4 M€ depuis 23 ans) ou le fonds de dotation Aliénor lancé en 2016 soutiennent les chercheurs.

Un excellent succès pour le CHU auprès du PHRC 2017

Quatre médecins du CHU ont obtenu 3,4 millions d’euros au programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national 2017.

  • Le projet du Pr Olivier Mimoz (998 134 €), chef du service des urgences adultes, traite de la prĂ©vention de l’infection après une chirurgie cardiaque. 11 000 patients seront inclus sur douze mois, dans 14 centres.
  • Le projet du Pr Samy Hadjadj (942 834 €), praticien dans le service d’endocrinologie, concerne l’évaluation d’une pratique sportive encadrĂ©e chez les patients diabĂ©tiques et son impact sur l’amĂ©lioration de la fonction rĂ©nale. D’une durĂ©e de trois ans, elle sera conduite dans 21 centres qui incluront 300 patients.
  • Le projet du Dr Tanguy Vendeuvre (691 687 €), chirurgien dans le service d’orthopĂ©die-traumatologie, va comparer deux techniques chirurgicales dans le traitement des fractures du plateau tibial. Quinze centres vont participer Ă  l’étude.
  • Enfin, le Pr Claire Dahyot-Fizelier (519 230 €), responsable de la rĂ©animation neurochirurgicale et chirurgicale, analysera la distribution dans le liquide cĂ©phalorachidien de sept antibiotiques chez les patients atteints d’une pathologie cĂ©rĂ©brale aiguĂ«. Le projet sera menĂ© pendant 24 mois avec 18 autres centres hospitaliers.

Les différents aspects de la recherche clinique
A cĂ´tĂ© de la recherche fondamentale, dont le but est d’identifier et de comprendre l’ensemble des mĂ©canismes qui interviennent dans le dĂ©veloppement ou le traitement d’une maladie, il y a la recherche clinique qui est celle faite au lit du patient. Mais, cette frontière est permĂ©able, on parle alors de recherche translationnelle. Elle permet de dĂ©velopper des applications cliniques Ă  partir d’une dĂ©couverte en recherche fondamentale ou de favoriser l’exploration de nouvelles pistes, thĂ©ories ou concepts Ă  partir d’une observation clinique. “Comme on dit dans notre jargon : “bench to bed”, de la paillasse au lit du patient, ou l’inverse “bed to bench”. Ce qui est assez frĂ©quent, plusieurs chercheurs de l’établissement ont un pied dans les laboratoires Inserm (ou CNRS), notamment en ophtalmologie, en transplantation rĂ©nale, en cancĂ©rologie ou encore en neurologie et neurochirurgie.” “Ce sont des recherches qui se nourrissent l’une de l’autre, prĂ©cise le Pr Antoine Thierry, nĂ©phrologue responsable de la transplantation rĂ©nale. Un des atouts de Poitiers est que nous sommes un Ă©tablissement Ă  taille humaine. Les interlocuteurs se connaissent, il est facile d’être rĂ©actif pour tester des hypothèses de travail. D’oĂą l’intĂ©rĂŞt d’être Ă  la fois mĂ©decin et impliquĂ© dans des unitĂ©s de recherche.” D’autres Ă©tudes sont purement cliniques, permettant d’évaluer des pratiques, de proposer de nouvelles stratĂ©gies diagnostiques ou thĂ©rapeutiques.

Cette recherche est menĂ©e soit Ă  l’initiative des praticiens de l’établissement, c’est ce qu’on appelle la recherche en promotion interne, soit l’établissement est partie prenante dans des Ă©tudes engagĂ©es par d’autres centres en France, c’est la promotion externe. Dans une forme comme dans une autre, la recherche peut ĂŞtre multicentrique, elle implique plusieurs centres hospitaliers en France comme Ă  l’étranger. Elle regroupe l’ensemble des essais cliniques effectuĂ©s chez l’homme. “Il faut remercier les malades participant Ă  la recherche clinique en toute transparence. MĂŞme s’ils ne bĂ©nĂ©ficient pas toujours immĂ©diatement de la recherche en cours, ils contribuent très largement aux avancĂ©es scientifiques et Ă  la mise en place de traitements innovants dont d’autres patients bĂ©nĂ©ficieront”, prĂ©cise le Pr RenĂ© Robert.

La recherche au CHU en 2016 en quelques chiffres

  • 18 000 000 euros (14 500 000 sont des dotations et 3 500 000 sont de la facturation ou des dotations)
  • 465 publications dans des revues scientifiques rĂ©fĂ©rencĂ©es au plan international
  • 3 unitĂ©s labellisĂ©es Inserm-UniversitĂ© de Poitiers : UnitĂ© 1082, ischĂ©mie reperfusion et transplantation d’organes ; unitĂ© 1084, laboratoire de neurosciences expĂ©rimentales et cliniques ; unitĂ© 1070, pharmacologie des anti-infectieux
  • 1 Ă©quipe au sein du laboratoire CNRS–UniversitĂ© de Poitiers : UMR CNRS 7348, LMA Ă©quipe DACTIM-MIS
  • 3 Ă©quipes d’accueil de l’UniversitĂ© de Poitiers : EA 6314, laboratoire mobilitĂ© vieillissement en exercice ; EA 4331, laboratoire inflammation tissus Ă©pithĂ©liaux cytokines ; EA 3808, cibles molĂ©- culaires et thĂ©rapeutiques de la maladie d’Alzheimer
  • 1 centre d’investigation clinique (CIC 1042) labelisĂ© par l’Inserm et le CHU
  • 1 centre de ressources biologiques certifiĂ© par l’Afnor
  • 77 Ă©tudes dont le CHU est promoteur (promotion interne)
  • 707 Ă©tudes industrielles et institutionnelles (promotion externe) dont 236 Ă©tudes industrielles et 471 Ă©tudes institutionnelles

Quatre axes de recherche prioritaires
Une autre priorité du CHU, toujours dans cette logique de renforcer la recherche, a été de définir des axes prioritaires de recherche. Ils l’ont été selon leur reconnaissance scientifique mais aussi pour leur dimension structurante.

Le premier axe : technologies en santé. Cet axe s’appuie sur deux projets de recherche, l’un intitulé DACTIM-MIS dont la finalité est de mieux adapter les traitements anticancéreux, et le second baptisé Prismatics.

Une première à Poitiers, une association avec une unité CNRS-Université de Poitiers. DACTIM-MIS (Data Analysis and Computation Through Imaging & Modeling) constitue ainsi une des équipes de l’UMR- CNRS-LMA (Laboratoire, mathématiques et applications). Cette équipe, dirigée par le Pr Rémy Guillevin, s’intéresse à l’extraction et la modélisation mathématique de paramètres issus de l’imagerie médicale en exploitant les systèmes d’imagerie du centre cardio-vasculaire. Il s’agit de mettre en place des applications utilisant l’imagerie afin de mieux guider et adapter les chirurgies anticancéreuses des lésions tumorales cérébrales et, à terme, d’autres organes.

Quant à Prismatics (Predictive Research In Spine/neuromodulation Management And Thoracic Innovation in Cardiac Surgery), projet porté par le Pr Philippe Rigoard, il est né de la fusion de deux programmes de recherche à visée mé- dico-économique (PRME), coordonnés par le CHU : l’un sur la prise en charge des traumatismes thoraciques avec l’étude Emvols du Pr Christophe Jayle, et le second dans le domaine de la neurostimulation implantée (Estimet) pour les douleurs chroniques réfractaires du Pr Philippe Rigoard.

Concrètement, le premier porte sur la pose d’agrafes de titane afin de rĂ©duire les fractures costales multiples, quant au second, il s’appuie sur un nouveau type de stimulation mĂ©dullaire appelĂ©e “stimulation multi-colonnes” pour soulager les patients souffrant de douleurs post-opĂ©ratoires du dos et des jambes. “L’intĂ©rĂŞt est ici de positionner un dispositif technologique innovant dans le parcours de soin du patient”, prĂ©cise le Pr Philippe Rigoard. Deux Ă©tudes avec une finalitĂ© identique : “DĂ©montrer l’efficacitĂ© de ces techniques mais aussi leur intĂ©rĂŞt mĂ©dico-Ă©conomique, souligne celui-ci. Il paraissait logique de se rĂ©unir sous une seule et mĂŞme entitĂ©, d’autant que nous avons les mĂŞmes besoins en termes de personnels de recherche et de moyens techniques.”  “Ce type de mariage entre Ă©quipes de recherche est quelque chose d’assez nouveau, la pluridisciplinaritĂ© des Ă©quipes peut dĂ©boucher sur des choses vraiment innovantes”, note Harold Astre.

Le deuxième axe : cancérologie. En matière de recherche en cancérologie, trois grandes thématiques se dégagent : les cancers colorectaux, les tumeurs cérébrales et l’hématologie. Une activité riche et foisonnante qui place le CHU comme étant un centre français important en matière de recherche.

Le Pr David Tougeron s’occupe de plusieurs protocoles de recherche clinique autour de nouvelles chimiothĂ©rapies, thĂ©rapies ciblĂ©es et immunothĂ©rapies (traitement qui vise Ă  stimuler les dĂ©fenses immunitaires du patient pour dĂ©truire son cancer) dans le traitement des cancers digestifs. “Je coordonne près d’une quinzaine d’études avec de nouveaux traitements des cancers digestifs, notamment ceux du pancrĂ©as, de l’estomac et du colon.” Les services d’oncologie et d’hĂ©pato-gastro-entĂ©rologie incluent chaque annĂ©e plus de 50 patients dans ces essais thĂ©rapeutiques. Le plus souvent, ces Ă©tudes comparent de nouveaux traitements par rapport aux traitements de rĂ©fĂ©rence. Il y a Ă©galement d’autres protocoles de recherche pour les autres tumeurs et les hĂ©mopathies malignes (Pr Jean-Marc Tourani et Pr Xavier Leleu).

Plusieurs Ă©tudes en recherche translationnelle sont Ă©galement menĂ©es sur les cancers colorectaux notamment sur l’ADN tumoral circulant en collaboration avec le service de cancĂ©rologie biologique (Pr Lucie Karayan-Tapon) labellisĂ© par l’Institut national du cancer (INCa). “Nous avons des techniques de biologie molĂ©culaire de plus en plus performantes qui permettent de dĂ©tecter de l’ADN des tumeurs dans notre sang. L’intĂ©rĂŞt serait ainsi de pouvoir dĂ©pister et de prendre en charge plus tĂ´t les cancers. Par exemple, pris Ă  un stade prĂ©coce, un cancer du cĂ´lon a un pourcentage de guĂ©rison de l’ordre de 90 %.”

En matière de recherche fondamentale sur les tumeurs cĂ©rĂ©brales, le Pr Karayan-Tapon rĂ©alise d’importants travaux sur la caractĂ©risation des cellules souches Ă  l’origine des gliomes afin d’expliquer la rechute ainsi que de la rĂ©sistance aux thĂ©rapies conventionnelles et nouvelles. “Des passerelles existent entre les spĂ©cialitĂ©s. Par exemple, nous Ă©tudions les mĂ©tastases cĂ©rĂ©brales du cancer du cĂ´lon, ce qui implique Ă©galement les radiologues afin d’envisager dans le cadre d’un protocole un dĂ©pistage prĂ©coce. De plus, nous envisageons d’étudier et de comparer les cellules souches de mĂ©tastases cĂ©rĂ©brales du cancer du cĂ´lon aux cellules souches de gliomes.”

Autre spĂ©cialitĂ©, l’hĂ©matologie. LĂ  aussi l’activitĂ© de recherche clinique est consĂ©quente, notamment liĂ©e aux spĂ©cialitĂ©s dĂ©veloppĂ©es par le service. “Nous traitons des pathologies phares, pour leur gravitĂ©, comme les leucĂ©mies aigĂĽes, ou pour leur frĂ©quence, comme la leucĂ©mie lymphoĂŻde chronique, les lymphomes, myĂ©lomes ou encore les myĂ©lodysplasies”, prĂ©cise le Pr Xavier Leleu, chef du service hĂ©matologie et thĂ©rapie cellulaire. Le service est organisĂ© de telle sorte que chaque mĂ©decin ait une expertise nationale ou internationale dans son domaine. L’intĂ©rĂŞt pour le patient est d’avoir accès Ă  des molĂ©cules très innovantes, qui coĂ»tent très cher et requièrent une expertise pour en assurer la bonne prescription, qui ne sont pas remboursĂ©es, par exemple le Daratumumab, un des premiers anticorps monoclonal thĂ©rapeutique dĂ©veloppĂ© dans le myĂ©lome.

“Cette recherche clinique est le socle de notre activitĂ© mais en parallèle nous dĂ©veloppons la recherche translationnelle.” Poitiers se distingue particulièrement sur l’immunothĂ©rapie et le cancer dont la leucĂ©mie myĂ©loĂŻde chronique et le myĂ©lome. “En ce qui concerne l’immunothĂ©rapie, la recherche s’appuie sur les travaux engagĂ©s par le Pr François Guilhot sur la leucĂ©mie myĂ©loĂŻde chronique.” Poitiers est aujourd’hui l’un des plus gros centres en France reconnu sur ce type de cancer de la moelle osseuse. “Dans la poursuite de ces Ă©tudes qui ont dĂ©crit et identifiĂ© les cellules responsables, on veut comprendre les dĂ©rĂ©gulations du système immunitaire. Si on arrivait Ă  restaurer l’immunosurveillance chez les patients, on arriverait peut-ĂŞtre Ă  mieux guĂ©rir les malades. Aujourd’hui, nous ne sommes pas loin de comprendre les causes de son dĂ©règlement. En hĂ©matologie, il est Ă©vident que l’immunothĂ©rapie sera un des traitements de demain.”

Pour ce qui est du myĂ©lome multiple, plusieurs Ă©tudes ont dĂ©marrĂ© en utilisant l’immunothĂ©rapie comme clĂ© pour amĂ©liorer la profondeur des rĂ©ponses, donc la survie des patients. Une autre va s’intĂ©resser Ă  quelques patients dits “long survivor” qui malgrĂ© cette maladie systĂ©matiquement mortelle ont une durĂ©e de vie importante.

Troisième axe : transplantation. Dans ce domaine, le CHU de Poitiers a une expertise reconnue notamment sur la thématique ischémie-reperfusion via son unité Inserm 1082 et la plateforme pré-clinique de Surgères, qui, à partir d’un modèle porcin, reproduit des situations rencontrées en clinique humaine pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques mis en jeu.

De cette recherche sur la conservation des greffons dĂ©coule alors une recherche clinique d’excellence sur la minimisation de l’immunodĂ©pression chez les patients greffĂ©s. “Une grande partie de nos patients sont inclus dans des Ă©tudes cliniques pour Ă©valuer des stratĂ©gies de traitements anti-rejet, prĂ©cise le Pr Antoine Thierry, nĂ©phrologue responsable de la transplantation. L’idĂ©e est de rĂ©duire au maximum les traitements immunosuppresseurs pour en limiter les effets secondaires. Le but est, malgrĂ© des greffons issus de donneurs de plus en plus âgĂ©s (voir encadrĂ© ci-dessous), d’augmenter leur durĂ©e de vie, tout en assurant la qualitĂ© de vie des receveurs. Sur ce thème, je suis investigateur d’une Ă©tude nationale multicentrique qui concerne 13 centres en France.” Toujours dans cette thĂ©matique, l’équipe du service de nĂ©phrologie et des chercheurs de l’unitĂ© Inserm 1082 s’intĂ©ressent Ă  la comprĂ©hension des mĂ©canismes de la cancĂ©rogĂ©nèse chez les patients greffĂ©s. Enfin la compĂ©tence reconnue au niveau national du service d’anatomopathologie pour l’analyse histologique du greffon rĂ©nal est un atout prĂ©cieux pour le succès de ces recherches au sein du CHU de Poitiers.

SUPORT, l’excellence d’une fédération autour des greffes et conservation d’organes

Depuis 2014, l’unité Inserm 1082 du CHU de Poitiers est intégrée au sein d’une fédération hospitalo-universitaire SUPORT (SUrvival oPtimization in ORgan Transplantation), relative aux greffes et conservation d’organes qui associe des équipes des CHU de Poitiers, Limoges et Tours.

Son originalitĂ© : penser le parcours global du greffon, du donneur au receveur. “L’intĂ©rĂŞt de cette fĂ©dĂ©ration est de combiner l’excellence en termes de soins, de recherche et d’enseignement. C’est un guichet unique pour les essais cliniques, l’enseignement inter-universitĂ©s, le partage des bases de donnĂ©es cliniques, les bancs de perfusion…”, souligne Thierry Hauet, directeur de l’unitĂ© Inserm 1082 et coordonnateur scientifique de la FHU. Un des axes principaux de SUPORT porte sur la conservation des organes et la limitation des lĂ©sions de l’ischĂ©mie reperfusion (stress subi par l’organe entre le prĂ©lèvement et la reperfusion sanguine) et les consĂ©quences que cela va avoir chez le receveur. “Aujourd’hui, nous manquons de greffons, Ă  tel point que les prĂ©lèvements s’effectuent sur des donneurs beaucoup plus âgĂ©s ou des patients dĂ©cĂ©dĂ©s. Ces greffons sont plus fragiles Ă  ces phĂ©nomènes de conservation. Aussi, des organes qui pourraient ĂŞtre transplantĂ©s ne le sont pas, le but de cette coopĂ©ration est d’éviter cette situation.” L’intĂ©rĂŞt est alors de mieux connaĂ®tre les phĂ©nomènes lĂ©sionnels de façon Ă  mesurer leur activation et quantifier la qualitĂ© de l’organe, pour apporter un traitement personnalisĂ© au receveur. Le CHU de Poitiers est particulièrement investi dans les recherches sur les conservations des organes sur le modèle porcin via la plateforme prĂ©clinique de Surgères.

En termes d’activité clinique, SUPORT figure en haut du tableau. L’an dernier, près de 240 transplantations rénales ont été réalisées, ce qui la place au 1er rang national; près de 30 transplantations cardiaques ont été pratiquées (2 à 3e rang national), et 100 transplantations hépatiques (3 à 4e rang). Une reconnaissance qui lui permet d’être compétitif pour décrocher un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).

Le quatrième axe : ophtalmologie. Cette thĂ©matique est particulièrement rĂ©cente au CHU. Le Pr Nicolas Leveziel est très actif dans l’étude de la dĂ©gĂ©nĂ©rescence maculaire liĂ©e Ă  l’âge (DMLA). “Nous menons un protocole institutionnel d’essais cliniques sur la DMLA exsudative (forme humide) et trois protocoles d’essais cliniques dans la DMLA atrophique (forme sèche).” Le CHU est d’ailleurs centre de rĂ©fĂ©rence nationale pour deux des trois essais cliniques sur cette forme de DMLA.

“Nous menons Ă©galement un protocole sur la rĂ©tinopathie diabĂ©tique. Il a pour objet d’évaluer l’effet des injections intravitrĂ©ennes (IVT) par rapport au traitement de rĂ©fĂ©rence de la rĂ©tinopathie prolifĂ©rante qui est actuellement la photocoagulation laser.”

Autre axe de recherche : la myopie. Le CHU vient de signer un partenariat avec un industriel de l’optique pour rĂ©aliser une Ă©tude Ă©pidĂ©miologique nationale devant durer trois annĂ©es. Objectif : “Mieux comprendre les diffĂ©rents facteurs de la myopie afin de dĂ©velopper des politiques de prĂ©vention ou d’identifier des facteurs de risque.”

A cĂ´tĂ© de cette recherche clinique, le Pr Leveziel mène, au sein de l’équipe 1 du laboratoire Inserm 1084, des travaux en recherche fondamentale sur la DMLA. “Le but est de comprendre pourquoi certains patients âgĂ©s dĂ©veloppent cette maladie et d’autres non.” La finalitĂ© est d’arriver Ă  dĂ©velopper un modèle de DMLA humain in vitro pour mieux comprendre les mĂ©canismes qui conduisent au dĂ©veloppement de la maladie. “Poitiers est un des rares centres Ă  avoir l’autorisation de l’agence de biomĂ©decine d’utiliser des cellules souches embryonnaires sur la thĂ©matique de la DMLA.”

Les têtes de pont de la recherche : le centre d’investigation clinique et les trois unités Inserm
Les chercheurs peuvent s’appuyer sur les trois unitĂ©s Inserm-UniversitĂ© de Poitiers, ce qui souligne l’excellence du CHU en matière de recherche au niveau national et international. L’ensemble des unitĂ©s de recherche et le centre d’investigation clinique ont Ă©galement fait l’objet d’une Ă©valuation par l’HCERES en 2017 qui a soulignĂ© l’excellence de leurs travaux et leur reconnaissance au plan national et international. L’unitĂ© 1082, dirigĂ©e par le Pr Thierry Hauet, “IschĂ©mie reperfusion en transplantation d’organes, mĂ©canismes et innovations thĂ©rapeutiques”, est en fort partenariat avec la plateforme de chirurgie prĂ©-clinique de Surgères et la fĂ©dĂ©ration hospitalo-universitaire (FHU SUPORT).

L’unitĂ© 1084, “Laboratoire de neurosciences expĂ©rimentales et cliniques “, est dirigĂ©e par le Pr Mohamed Jaber. Elle est composĂ©e de plusieurs Ă©quipes Ĺ“uvrant Ă  un niveau d’excellence international dans le domaine des neurosciences, des addictions ou encore des maladies neuro-dĂ©gĂ©nĂ©ratives. Elle regroupe des chercheurs issus tant des sciences fondamentales que du CHU.

L’unitĂ© 1070 du Pr William Couet, “Pharmacologie des anti-infectieux”, cherche, face Ă  l’émergence des bactĂ©ries rĂ©sistantes et Ă  la pĂ©nurie de nouvelles molĂ©cules, Ă  optimiser l’usage des antibiotiques avec un triple objectif : accroĂ®tre l’efficacitĂ©, contrĂ´ler la toxicitĂ© et limiter l’émergence et le dĂ©veloppement des rĂ©sistances. Elle est quasi unique en France et a une reconnaissance internationale forte.

Autre tĂŞte de pont de la recherche au CHU : le centre d’investigation clinique labellisĂ© Inserm-CHU de Poitiers (CIC 1042). Il est Ă  l’interface entre les cliniciens du CHU de Poitiers et les Ă©quipes de recherche fondamentale. “Historiquement, et c’est une spĂ©cificitĂ© de Poitiers, le CIC a toujours Ă©tĂ© très orientĂ© recherche clinique avec des travaux leaders au plan international sur plusieurs thĂ©matiques notamment en hĂ©matologie sur la leucĂ©mie myĂ©loĂŻde chronique, en diabĂ©tologie sur le dĂ©clin de la fonction rĂ©nale ou encore en neurosciences sur les maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©- ratives (maladie de Parkinson ou d’Alzheimer)”, souligne le Pr Samy Hadjadj.

Le CIC offre aux cliniciens un espace de recherche et un appui logistique – du matériel technique spécifique – et du personnel dédié – méthodologistes, attachés de recherche clinique, techniciens de recherche clinique, infirmières…

Depuis janvier, dans le cadre de l’évaluation HCERES et en prévision de son renouvellement Inserm en janvier 2018, le CIC s’est fixé de nouvelles priorités en redéfinissant ses thématiques autour de quatre grands axes :

  • THOR (Targets in Hematology and Oncology Research) : immunosurveillance, immunothĂ©rapie, mĂ©canisme de rĂ©sistance aux drogues, cellules souches hĂ©matopoĂŻĂ©tiques en oncologie et oncohĂ©matologie, en lien avec le registre rĂ©gional du cancer ;
  • ACDC (ageing and chronic diabetes complications) : vieillissement et diabète, dĂ©terminants du dĂ©clin fonctionnel (rĂ©nal, oculaire, vĂ©sical, cognitif), en lien avec de nombreuses cohortes ;
  • Alive (Acute live injury and ventilation) : insuffisance respiratoire (de la physiologie Ă  la rĂ©animation), sommeil et fonction respiratoire ;
  • Hedex (Health endocrine disruptors and exposome) : exposition aux perturbateurs endocriniens et effet sur la santĂ©, avec des approches de population et d’intervention.

Ces deux derniers axes sont des thématiques émergentes pour le CIC. A côté de ces quatre axes, un groupe en neurosciences travaille sur la compréhension des troubles des maladies de Parkinson, Gilles de la Tourette et Huntington et sur la mise au point de thérapies innovantes.

Sandy Bertin, attachée de recherche clinique au CHU de Poitiers.
Sandy Bertin, attachée de recherche clinique au CHU de Poitiers.

Les métiers de la recherche

  • AttachĂ©e de recherche clinique (ARC) en promotion interne depuis deux ans au sein de la direction de la recherche, Sandy Bertin s’occupe du bon dĂ©roulement de deux protocoles de recherche en transplantation rĂ©nale pour lesquels 13 centres sont associĂ©s. “Nous sommes l’interface entre le promoteur et tous les intervenants impliquĂ©s dans l’étude. Notre rĂ´le principal est de s’assurer de la qualitĂ© du travail rĂ©alisĂ© par les autres centres. C’est beaucoup de pĂ©dagogie car nous nous adressons Ă  des publics diffĂ©rents, des mĂ©decins, des infirmières, des TEC… Il y a aussi tout u n t r a v a i l d’information pour expliquer l’avancement de l’étude. Une fois les premiers patients inclus, nous nous rendons rĂ©gulièrement dans les centres pour rĂ©aliser ce que l’on appelle des visites de monitoring.” Une mission qui laisse peu de rĂ©pit. “Il faut ĂŞtre très rĂ©actif et Ă  l’affĂ»t du moindre souci, c’est primordial car nous sommes les garants de la bonne marche de l’étude et au final de la sĂ©curitĂ© des patients.”
  • Chef de projet et rapporteur qualitĂ©, Marie Bonnin arbore deux casquettes au sein de la direction de la recherche. La première est de suivre la conduite des recherches promues par le CHU. Elle a sous sa responsabilitĂ© une vingtaine d’études en cours. “50 % de mon travail est consacrĂ© Ă  cette tâche.” Son autre casquette porte sur le management de la qualitĂ©, sur les bonnes pratiques. Dans cette fonction, Marie Bonnin s’est tout d’abord attachĂ©e Ă  formaliser des procĂ©dures opĂ©ratoires de suivi des Ă©tudes, de façon Ă  offrir un canevas de travail aux attachĂ©s de recherche clinique. Depuis, elle les forme rĂ©gulièrement aux procĂ©dures. “Je m’assure Ă©galement sur le terrain que les attachĂ©s de recherche clinique les ont bien toutes intĂ©grĂ©es. Ce travail s’inscrit dans un objectif d’amĂ©lioration de la qualitĂ© et de la sĂ©curitĂ© des Ă©tudes de recherche.” En filigrane, l’idĂ©e serait Ă  terme de dĂ©boucher sur une certification ISO 9001 de la recherche au sein de l’établissement. “Cette dĂ©marche donnerait un gage de qualitĂ© supplĂ©mentaire Ă  la recherche clinique menĂ©e au CHU.”
  • Les autres mĂ©tiers de la recherche : infirmière de recherche, technicien de recherche clinique, qualiticien, biostatisticien, data-manager, mĂ©thodologiste, gestionnaire de donnĂ©es, chargĂ© de valorisation.

Vers l’émergence de nouvelles équipes
“Le CHU, qui a pendant très longtemps privilĂ©giĂ© le soin, peut s’enorgueillir d’avoir su s’affirmer en matière de recherche. Mais il doit poursuivre cette dynamique pour continuer Ă  se dĂ©marquer, ce qui, en termes stratĂ©giques, sera une nĂ©cessitĂ©”, souligne le Pr GĂ©rard Mauco.

Le centre d’investigation clinique est pleinement dans cette logique en souhaitant s’inscrire dans une dĂ©marche plus translationnelle. “Nous allons rapprocher le CIC des unitĂ©s de l’UniversitĂ© de Poitiers, notamment les Ă©quipes Inserm, afin de crĂ©er plus de passerelles. Il faut nous nourrir de la recherche fondamentale”, prĂ©cise le Pr Samy Hadjadj.

Autre souhait de dĂ©veloppement du CIC : attirer des tests en phase prĂ©coce des mĂ©dicaments. “C’est ce que l’on appelle la phase 1, celle qui lance les tests d’une nouvelle molĂ©cule appelĂ©e Ă  devenir mĂ©dicament. C’est la phase la plus lourde, la plus alĂ©atoire, la plus surveillĂ©e. Une structure comme le CIC peut rĂ©pondre pleinement aux exigences de qualitĂ© et de sĂ©curitĂ© pour les patients.” L’intĂ©rĂŞt est double : “Avoir un accès privilĂ©giĂ© Ă  l’innovation et attirer de nouvelles sources de financement.”

La recherche clinique peut permettre Ă  de nouvelles Ă©quipes de se distinguer. C’est notamment le cas de l’axe Alive dĂ©veloppĂ© au sein du CIC et dirigĂ© par le Pr RenĂ© Robert. Un premier volet, sur la dĂ©tresse respiratoire, s’appuie sur les travaux de recherche du docteur Jean-Pierre Frat, intitulĂ© Florali. “Trois mĂ©thodes d’oxygĂ©- nation ont Ă©tĂ© observĂ©es pour diminuer le recours Ă  l’intubation, explique RenĂ© Robert. Elles ont montrĂ© une baisse de la mortalitĂ© et des complications grâce Ă  l’oxygĂ©nothĂ©rapie nasale Ă  haut dĂ©bit.”

Ce travail a été publié dans le très célèbre New England Journal of Medecine. D’autres publications de haut niveau ont suivi.

Une deuxième étude, dite Florali 2, vient de se terminer et concerne les patients de réanimation en insuffisance respiratoire aiguë. Une troisième étude va dé- marrer sur le même modèle, mais appliquée à la détresse ventilatoire chez les malades immunodéprimés.

Au sein du groupe Alive, le Pr Xavier Drouot, du service de neurophysiologie, travaille sur la relation entre le manque de sommeil et les performances musculaires. Des études seront faites sur des volontaires sains et sur un modèle animal en lien avec l’unité Inserm 1084. L’ensemble de ces travaux pourraient permettre à terme de déboucher sur une labellisation en équipe Inserm-Université ou équipe associée (EA).

Autre axe Ă©mergent du CIC : Hedex (Health, Endocrine Disruptors, EXposome), dirigĂ© par le Pr Virginie Migeot, qui porte sur l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. Cette Ă©quipe pluridisciplinaire travaille sur deux aspects : comment bien estimer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens et comment la limiter. “Les perturbateurs endocriniens sont partout et l’on sait qu’ils sont probablement Ă  l’origine de maladies chroniques telles que le diabète, l’obĂ©sitĂ© ainsi que certains cancers… L’originalitĂ© de notre approche est basĂ©e sur le fait de valider des biomarqueurs d’exposition.” Concrètement, c’est pouvoir, de façon très fiable, doser dans les liquides biologiques la prĂ©sence de ces molĂ©cules. Le deuxième axe, sur la limitation de l’exposition, portera sur une approche de recherche interventionnelle : “C’est-Ă -dire comprendre quelles interventions proposer pour mobiliser les populations et en faire des consommateurs actifs”, ce qui se fera via la maison de la santĂ© publique du CHU qui devrait ouvrir en 2018.

Se rapprocher des laboratoires de l’université
Toujours dans cette volonté d’apporter une nouvelle dimension à ses activités de recherche, le CHU souhaite se rapprocher des laboratoires de l’université.

“C’est notamment le cas concernant la recherche en cancĂ©rologie, qui est très importante dans l’établissement, mais sans coordination avec les laboratoires de l’universitĂ© et notamment le laboratoire CNRS de chimie IC2MP (Institut de chimie des milieux et matĂ©riaux)”, souligne le Pr GĂ©rard Mauco. Cet institut peut ĂŞtre un partenaire essentiel de par ses particularitĂ©s. Pour rappel, toute la chimie de l’anticancĂ©reux, le Javlor, a Ă©tĂ© faĂ®te par ce laboratoire. Une dĂ©marche identique est en pleine expansion avec l’institut P-prime sur plusieurs aspects : rĂ©sistance des matĂ©riaux, robotique…

Pour conforter ces liens, il a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de restructurer le comitĂ© de la recherche en biomĂ©dicale et en santĂ© publique. “Jusqu’à prĂ©- sent, ce comitĂ©, qui existe depuis 2005, seule place d’interface entre le CHU et l’universitĂ©, ne permettait pas, de par sa composition, de dĂ©boucher sur des prises de dĂ©cision aisĂ©es. Il a Ă©tĂ© donc Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de nommer des reprĂ©sentants des deux Ă©tablissements (quatre par institution) ainsi que quatre reprĂ©sentants des organismes associĂ©s (Inserm, CNRS, INRA) qui seront amenĂ©s Ă  se rencontrer, de façon Ă  proposer des voies de collaboration et de coordination entre l’universitĂ© et le CHU.”

Le souhait est aussi de mieux structurer l’interaction entre les unités de recherche labellisées (équipes d’accueil de l’université, unités Inserm-université ou CNRS-université) par la création d’un institut de biologie santé de Poitiers.

“L’idĂ©e est de regrouper l’ensemble des unitĂ©s Inserm et Ă©quipes d’accueil de l’universitĂ©, qui seront encadrĂ©es par une direction administrative et un conseil scientifique, afin d’encourager les Ă©mergences, les collaborations. L’objectif : se diffĂ©rencier par des spĂ©cialisations que d’autres n’ont pas.”

Une spĂ©cialisation que le Pr Mohamed Jaber, responsable de l’unitĂ© Inserm 1084, estime primordiale pour l’avenir. “Dans le cadre de la nouvelle grande rĂ©gion, avec ses unitĂ©s Inserm, il est Ă©vident que Poitiers devra montrer son niveau scientifique et son identitĂ© vis- Ă -vis des unitĂ©s bordelaises.”

L'équipe de la recherche paramédicale du CHU de Poitiers : Christelle Plumereau, cadre de santé en réanimation chirurgicale, Véronique Ferrand, responsable d’unité à la direction de la recherche, Harold Astre, directeur de la recherche, Martine Imbert, coordonnatrice général des soins, Marlène Arbutina, cadre supérieure de santé, Aurélie Girault, coordonnatrice paramédicale des projets de recherche, Emilie Griffault infirmière coordinatrice en réanimation chirurgicale.
L’Ă©quipe de la recherche paramĂ©dicale du CHU de Poitiers : Christelle Plumereau, cadre de santĂ© en rĂ©animation chirurgicale, VĂ©ronique Ferrand, responsable d’unitĂ© Ă  la direction de la recherche, Harold Astre, directeur de la recherche, Martine Imbert, coordonnatrice gĂ©nĂ©ral des soins, Marlène Arbutina, cadre supĂ©rieure de santĂ©, AurĂ©lie Girault, coordonnatrice paramĂ©dicale des projets de recherche, Emilie Griffault infirmière coordinatrice en rĂ©animation chirurgicale.

Développer la recherche paramédicale

Grâce à la coordination générale des soins, via Marlène Arbutina, cadre supérieure de santé, et Aurélie Girault, coordonnateur paramédical de projets de recherche, et avec le soutien de la direction de la recherche et de l’innovation, les professionnels paramédicaux, désireux de se lancer dans l’aventure, trouveront l’appui nécessaire pour mener à bien leurs projets.

Ensemble, elles ont conçu une offre de formation dĂ©diĂ©e Ă  la recherche paramĂ©dicale et ont organisĂ©, avec le soutien de la direction de la recherche, la première Ă©dition des ateliers pour la recherche paramĂ©dicale au CHU de Poitiers. “La recherche n’est pas dans la culture des soignants de la mĂŞme manière que pour les mĂ©decins”, prĂ©cise Marlène Arbutina.

Dans les quatre rĂ©animations du CHU de Poitiers, certains infirmiers sont habilitĂ©s Ă  poser des perfusions par Ă©choguidage, acte auparavant rĂ©servĂ© aux mĂ©decins. C’est un fait dĂ©sormais possible grâce au travail de l’équipe Apive (Abord pĂ©riphĂ©rique intra veineux Ă©choguidĂ©) composĂ©e du Dr Thomas Kerforne, de Christelle Plumereau, cadre de santĂ© en rĂ©animation chirurgicale, Ronan Allard-DuchĂŞne, Emilie Griffault et Guillaume Batiot, infirmiers. “En 2012, le docteur Thomas Kerforne rĂ©dige un mĂ©moire sur cette technique de perfusion par Ă©choguidage qui est utilisĂ©e, par exemple, sur des patients atteints d’œdèmes et difficiles Ă  piquer”, souligne Christelle Plumereau.

Vient alors l’idĂ©e pour l’équipe mĂ©dicale de former des soignants de rĂ©animation chirurgicale Ă  cette technique. L’équipe Apive a, par la suite, conçu et dispensĂ©, au CHU de Poitiers, la première version de la formation. Depuis 2016, avec le soutien de la coordination gĂ©nĂ©rale des soins, une deuxième version de la formation est rĂ©digĂ©e et l’idĂ©e d’un projet de recherche paramĂ©dicale apparait : “En 2016, nous avons choisi de partir de ce projet de recherche mĂ©dicale pour Ă©crire notre projet de recherche paramĂ©dicale : comparer la prĂ©valence des complications survenues lors de la pose de perfusion standard versus la pose de perfusion sous Ă©choguidage”, agrĂ©mente Ronan Allard-DuchĂŞne.

Un travail avec la direction de la recherche
Dans un contexte incitatif mais très concurrentiel, le dynamisme de la recherche paramĂ©dicale Ă  Poitiers doit Ă©galement se traduire par l’obtention DĂ©velopper la recherche paramĂ©dicale de financement dans le cadre d’appel Ă  projets type programme hospitalier de recherche infirmière et paramĂ©dicale (PHRIP). Pour y parvenir, la coordination gĂ©nĂ©rale des soins travaille en collaboration avec la direction de la recherche. Pour Harold Astre, directeur de la recherche, les dĂ©buts n’ont pas Ă©tĂ© faciles : “Il a fallu tout apprendre des uns et des autres. Construire un lien et dĂ©velopper une vision commune entre les deux parties a pris quelques mois.” Si en 2016, aucun projet de recherche n’a Ă©tĂ© retenu, Harold Astre et Marlène Arbutina comptent changer la donne en 2017. “La quantitĂ©, c’est bien, la qualitĂ© c’est mieux. Cette annĂ©e, nous allons mettre tout en Ĺ“uvre pour que des projets soient retenus”, assure le directeur de la recherche. Pour cela, l’institution met Ă  la disposition des porteurs de projets la plateforme mĂ©thodologique de biostatistique et de data-management, crĂ©Ă©e en novembre 2016 et destinĂ©e initialement aux projets de recherche mĂ©dicaux. “Le but est de coordonner la recherche dans sa globalitĂ© et de donner les mĂŞmes outils Ă  tout le monde”, insiste Marlène Arbutina.

Le PHRIP : un appel à projet emblématique de la recherche paramédicale
A ce jour, les textes de loi permettent aux professionnels paramédicaux de porter des projets de recherche dits paramédicaux. Les programmes hospitaliers de recherche infirmière et paramé- dicale, ou PHRIP, résultent d’un appel à projet national organisé par la direction générale de l’offre de soins et s’inscrivent en complément d’autres programmes organisés par le ministère de la Santé. Le but de ces PHRIP est de répondre aux défis majeurs de santé actuels et à venir, en particulier le vieillissement de la population et l’explosion des maladies chroniques et neurodégénératives. Ainsi, les projets de recherche paramédicaux contribuent au progrès médical technique ou économique, à l’amélioration des pratiques et de la qualité de la prise en charge, à l’efficience du système de soins, à l’évaluation d’une innovation médicale ou organisationnelle.