Un sujet inédit de recherche sur l’Alzheimer

Une application mobile pourrait aider à évaluer l’autonomie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Explication avec le Dr Adrien Julian, neurologue engagé dans cette recherche.

Un dispositif médical qui utilise le téléphone portable du patient dans la prise en charge, c’est inédit en France. Le Dr Adrien Julian, neurologue, a eu l’idée d’une application installée sur le smartphone des patients à risques ou déjà atteints de la maladie d’Alzheimer. En recueillant et analysant les données d’utilisation de leur smartphone dans la vie de tous les jours, cette application pourrait aider à suivre l’évolution de l’autonomie de ces patients. Le Dr Julian est neurologue au centre de mémoire, de ressources et de recherche (CMMR).

En partenariat avec le laboratoire Xlim de l’Université de Poitiers, il développe cette technologie innovante au sein du centre d’investigation clinique du CHU de Poitiers, auquel il collabore sur le sujet des troubles cognitifs et particulièrement de la maladie d’Alzheimer. Des études cliniques vont être menées sur ce sujet de recherche, conjointement par les CHU de Poitiers, Bordeaux,  Limoges et Paris. Leur objectif est d’étudier les liens entre l’évolution des données d’utilisation du smartphone par les patients et l’évolution de leur autonomie. La première étude est à visée  diagnostique et va porter sur 90 patients, répartis en trois groupes : un premier groupe de 30 patients avec plainte de mémoire mais tests de mémoire normaux ; un second groupe de 30 patients  qui ont un déclin léger ; un troisième groupe de 30 patients débutant une maladie d’Alzheimer. L’étude durera trois mois. «Elle devra déterminer s’il ressort des différences d’utilisation du  smartphone entre les trois groupes, et si un suivi des patients dans le temps permettrait de confirmer des différences d’utilisation. L’objectif suivant sera de surveiller dans le temps l’utilisation du  smartphone par des patients dont la maladie n’évolue pas, afin d’étalonner des paramètres d’utilisation qui serviront de modèles à une étude de suivi.»

Modéliser le déclin grâce à l’intelligence artificielle

Une autre étude, soutenue financièrement par le fonds Aliénor du CHU de Poitiers, va suivre 100 patients à un stade débutant de la maladie d’Alzheimer. « Le mode d’utilisation du smartphone va refléter l’état cognitif du patient. En recueillant ces données d’utilisation, nous allons tenter de modéliser le déclin. Cette modélisation nous permettrait d’anticiper le déclin et ainsi  proposer la meilleure prise en charge pour chaque patient », espère le neurologue. Les paramètres d’utilisation seront modélisés et mesurés par des algorithmes d’intelligence artificielle contenus  dans l’application. Ces algorithmes vont définir s’il survient un changement dans l’utilisation du smartphone, ce changement pouvant refléter l’entrée dans la maladie. « Deux exemples concrets :  le fait de ne pas rappeler un contact habituel, comme un contact habituel, comme auparavant après avoir manqué son appel ; ou le fait de rappeler un contact plusieurs fois en peu de temps. » Les données personnelles des patients et de leurs contacts téléphoniques seront chiffrées afin de rester anonymes. Il en sera de même pour les données de géolocalisation qui seront transformées.

L’espoir d’un diagnostic plus précoce

Le déclin cognitif s’inscrivant dans un continuum, « le risque de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer trop tardivement est réel », pointe le Dr Julian. Et de souligner la pertinence d’un suivi  d’analyse en continu, sans interruption entre deux consultations ou examens. « Le patient sera son propre contrôle au jour le jour, au service d’une médecine personnalisée. » L’espoir du Dr Julian est ainsi de disposer d’un outil favorisant un diagnostic plus précoce que ne le permettent aujourd’hui les tests de mémoire ou des examens techniques.
Pour autant, l’application n’a pas vocation à remplacer une consultation médicale et une expertise neuropsychologique. « Il s’agit d’un outil d’aide, en aucun cas le dispositif ne pourra affirmer qu’on est face à une maladie d’Alzheimer ou à une dépression. » Favoriser le maintien à domicile Une prise en charge plus individualisée pourrait aider à mieux évaluer les situations à risques, comme les accidents domestiques ou la conduite automobile, afin d’y apporter des réponses. L’objectif étant d’amener le patient à rester autonome plus longtemps et à domicile. Le souhait à terme  serait de rendre l’application mobile largement accessible au corps médical, afin qu’elle puisse être proposée en consultation au plus grand nombre de patients. Dans cette perspective, un  projet de création d’une start-up chargée de la diffusion et de la commercialisation est actuellement en cours, récompensé par un concours de l’innovation de BpiFrance. « Si le dispositif s’avère  permettre un moindre recours à des actes médicamenteux ou d’hospitalisation, un remboursement médical nous semble important », entend faire valoir le Dr Julian.

Comment fonctionnera l’application
L’application sera réservée au cadre médical et installée uniquement sur prescription, au cours de la consultation. Elle tournera en  fond, le patient n’aura pas à s’en préoccuper. Une fois par jour, l’application enverra les informations d’utilisation du smartphone, anonymisées, sur le serveur du CHU, pour être analysées par des  algorithmes d’intelligence artificielle. En cas d’alerte pouvant donner lieu à interprétation diagnostique, le médecin prescripteur sera informé. Cette application pourra être désactivée aussi  simplement que n’importe quelle autre.
Alzheimer en chiffres
N° 1 des maladies dégénératives en termes de fréquence
15 % des personnes de plus de 80 ans touchées
1 200 000 malades aujourd’hui en France
6,2 % de la population active française touchée en 2050 (estimation)
Lauréat du concours i-PhD
Le Dr Adrien Julian a obtenu le concours d’innovation d’i-PhD 2021. Ce concours, lancé par le gouvernement en partenariat avec Bpifrance, est né de la volonté du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, d’encourager l’esprit d’entreprendre des jeunes doctorants.

Article à retrouver dans le CHU Magazine n°83